Opérations sur les dérivées
- Les résultats de cette section sont à connaître par cur : ils vous permettent de calculer les dérivées de toutes les fonctions que vous rencontrerez, à partir d'un petit nombre de dérivées usuelles.
- Théorème 1 Soient et deux fonctions définies sur un intervalle contenant . On suppose que et sont dérivables en . Alors :
- est dérivable en , de dérivée
- est dérivable en , de dérivée .
et
- Écrivons le taux d'accroissement de la somme.
- Écrivons le taux d'accroissement du produit.
Le théorème 1, combiné avec la proposition 3, entraîne en particulier que toute fonction polynôme est dérivable sur .
- Théorème 2 Soit une fonction définie sur un intervalle ouvert de , dérivable en . Soit une fonction définie sur un intervalle ouvert contenant , dérivable en . Alors la composée est dérivable en , de dérivée :
- Démonstration : Par hypothèse, les taux d'accroissement de en et de en convergent :
et
- C1 :
- est continue en ,
- C2 :
- si alors au voisinage de ,
- C3 :
- le taux d'accroissement de est borné au voisinage de .
et
Considérons d'abord le cas où . Dans ce cas, tend vers 0, et comme conséquence de C1 et C3, il existe un intervalle et une constante telle que :
Considérons maintenant le cas où . Comme conséquence de C2, est bien défini au voisinage de
- Dérivées successives
Etant donné un intervalle ouvert , on dit que est dérivable sur , si elle est dérivable en tout point de . Soit une fonction dérivable sur . Sa dérivée peut être elle-même dérivable. On appelle alors dérivée seconde la dérivée de , et on la note . Cette fonction peut être elle-même dérivable, etc. Si est fois dérivable, on note sa dérivée d'ordre , ou dérivée -ième. Par définition, la dérivée d'ordre 0 est la fonction elle-même. Par exemple, si est un entier fixé, et est la fonction,
et
- Définition 5 Soit une fonction définie sur un intervalle de . On dit que est de classe sur , ou encore est fois continûment dérivable, si elle admet une dérivée -ième continue sur .
toutes les fonctions usuelles sont de classe
sur les intervalles ouverts où elles sont définies.
La formule de Leibniz, très proche de la formule du binôme de Newton, exprime la dérivée -ième d'un produit à d'aide des dérivées successives des composantes.
- Proposition 5 Si et sont deux fonctions de dans , fois dérivables sur un intervalle , alors le produit est fois dérivable sur et :
(1) |
- Démonstration : par récurrence sur . Puisque par définition , la formule est vraie pour . Supposons qu'elle est vraie pour . Si et sont dérivables fois sur , alors pour tout , le produit est dérivable et sa dérivée est :
Pour la dernière égalité, nous avons appliqué la formule du triangle de Pascal. La formule est vraie pour , donc pour tout , par récurrence. À titre d'exemple, calculons la dérivée -ième de . Posons et . Alors :
et
- Le produit de deux fonctions d'une variable réelle et définies et dérivables jusqu'à l'ordre sur un intervalle est dérivable jusqu'à l'ordre . La formule de Leibniz fournit sa dérivée d'ordre donnée par :
où les nombres entiers sont les coefficients binomiaux, et où l'on convient que la « dérivée zéro-ième » de f, notée , est la fonction f elle-même.
- Théorème des accroissements finis
En un point où la dérivée d'une fonction s'annule, les accroissements de la fonction sont négligeables devant les accroissements de la variable. Souvent, c'est un point où les variations de la fonction changent de sens, donc un maximum ou un minimum.
Définition 6 Soit une fonction de dans , définie sur un intervalle ouvert . Soit un point de . On dit que est un
- maximum local de si
- minimum local de si
Insistons sur l'adjectif local. Il suffit que la valeur de en soit la plus grande des valeurs prises par sur un petit intervalle autour de pour que soit un maximum local. Cette valeur n'est pas nécessairement la plus grande prise par sur tout son domaine de définition (voir le graphe de la figure 3).
Théorème 4 Soit une fonction de dans , définie sur un intervalle ouvert . Si présente un extremum (maximum ou minimum) local en un point de , et si est dérivable en , alors .
Démonstration : Si est un minimum local de , alors c'est un maximum local de : quitte à remplacer par , nous pouvons supposer que est un maximum local.
Donc pour tout dans l'intervalle ,
donc
Pour tout dans l'intervalle ,
donc
D'où le résultat. Reprenons l'exemple de la figure 2 : . La dérivée est :
Elle s'annule en , et admet effectivement un maximum en ce point. Mais savoir que permet seulement d'affirmer que la tangente en ce point est horizontale. Il se pourrait que la dérivée en un point soit nulle sans que la fonction admette un extremum en ce point : par exemple la fonction en 0. D'autre part, une fonction peut présenter un extremum en , sans être dérivable en ce point (par exemple la fonction en 0).
Voici un autre exemple (figure 3). Soit la fonction définie par :
Le taux d'accroissement de en 0 est , qui tend vers 0. La dérivée de en 0 est donc nulle. Pourtant, tout intervalle contenant 0, contient aussi des valeurs positives, et des valeurs négatives (et aussi une infinité d'extrema locaux). Nous allons appliquer le théorème 4, pour démontrer le théorème de Rolle.
Théorème 5 Soient et deux réels tels que . Soit une fonction de dans , continue sur , dérivable sur . Si , alors la dérivée de s'annule sur .
Démonstration : Une application continue sur intervalle fermé borné, atteint sa borne inférieure et sa borne supérieure : il existe tels que pour tout,
Si , l'application est constante sur , et sa dérivée est identiquement nulle. Si , alors l'une au moins de ces deux valeurs est différente de (et donc de ). Si , alors est un minimum pour , et donc , d'après le théorème précédent. Si , alors est un maximum pour , et donc .
On en déduit le résultat le plus important de cette section, le théorème des accroissements finis.
Théorème 6 Soient et deux réels tels que . Soit une fonction de dans , continue sur , dérivable sur .
Démonstration : Considérons la fonction , qui à associe
La fonction est continue sur , dérivable sur . De plus, elle prend la même valeur en et :
D'après le théorème de Rolle, la dérivée de s'annule en un point de .
D'où le résultat. Graphiquement, le théorème des accroissements finis dit que la courbe représentative de sur possède au moins une tangente parallèle à la sécante passant par et (figure 5). Si représente la position d'un mobile à l'instant , le théorème des accroissements finis dit que en au moins un point, la vitesse instantanée doit être égale à la vitesse moyenne sur l'intervalle.
Le plus souvent en pratique, on ne sait rien de la valeur de qui est telle que la tangente en est parallèle à la sécante. Mais de son existence découlent des inégalités permettant d'obtenir des renseignements précis sur les accroissements de la fonction. Le théorème des accroissements finis permet aussi d'établir le lien entre le sens de variation de et le signe de sa dérivée.
Proposition 6 Soit un intervalle ouvert non vide, et une fonction dérivable sur . La fonction est :
- croissante sur si et seulement si est positive ou nulle sur ,
- décroissante sur si et seulement si est négative ou nulle sur .
Démonstration : La fonction est croissante si et seulement si est décroissante. Il suffit donc de démontrer le premier point. Si est croissante, alors ses taux d'accroissement sont tous positifs ou nuls :
Comme la dérivée en chaque point est limite de taux d'accroissement, elle est aussi positive ou nulle.
Réciproquement, soient et deux points de tels que . Appliquons le théorème des accroissements finis à sur l'intervalle : il existe tel que :
Donc . Ce résultat n'est valable que sur un intervalle : la fonction a une dérivée négative sur , pourtant elle n'est pas décroissante. D'autre part, si la dérivée est strictement positive, alors la fonction est strictement croissante. La réciproque est fausse. La fonction peut être strictement croissante même si la dérivée s'annule en certains points (par exemple ). Comme autre application du théorème des accroissements finis, il est possible d'obtenir la dérivée en un point comme prolongement par continuité de la dérivée calculée sur un intervalle.
Proposition 7 Soient et deux réels tels que . Soit une fonction de dans , continue sur l'intervalle , dérivable sur . Si admet une limite finie en , alors est dérivable à droite en et :
Démonstration : Soit . Appliquons le théorème des accroissements finis sur l'intervalle . Il existe tel que
Soit la limite à droite de en . Pour tout , il existe tel que
Donc pour ,
D'où le résultat. Ce résultat n'est qu'une condition suffisante. Il peut se faire que la dérivée existe sans qu'elle soit continue. Par exemple la fonction a une dérivée nulle en 0 (figure 3). Pourtant sa dérivée en , , n'a pas de limite en 0.
Fonctions convexes
Définition 7 Soit une fonction de dans , définie sur un intervalle contenant au moins deux points. On dit que est convexe sur si et seulement si :
(2) |
Si , et , alors est un point de l'intervalle . La condition (2) dit que le point de la courbe représentative d'abscisse doit être situé au-dessous du segment de sécante joignant les points et (figure 6). En d'autres termes, tout arc de la courbe représentative doit être situé au-dessous de sa corde. De manière équivalente, la partie du plan située au-dessus de la courbe représentative est une région convexe, au sens où tout segment joignant deux de ses points est entièrement contenu dans la région.
Une fonction est dite concave si son opposée est convexe. Les propriétés sont inversées : tout arc est au-dessus de sa corde. La région du plan située au-dessous de la courbe représentative est convexe.
La fonction exponentielle est convexe, la fonction logarithme est concave. La fonction est convexe sur pour , elle est concave pour . La fonction est convexe sur , concave sur , de même que la fonction . Voici une autre caractérisation de la convexité.
Proposition 8 Soit une fonction de dans , définie sur un intervalle contenant au moins deux points. La fonction est convexe sur si et seulement si, pour tout le taux d'accroissement est une fonction croissante de sur .
Démonstration : Commmençons par la condition nécessaire. Soit et tels que . Trois cas sont possibles : , ,. Nous traitons le premier, les deux autres sont analogues. Soit . Alors . Comme est convexe,
On en déduit :
soit :
Montrons maintenant la condition suffisante. Soient et deux points de tels que et un réel dans . Posons , et donc :
et
Si ou , l'inégalité est vérifiée. Nous pouvons donc supposer que est différent de et . Écrivons que le taux d'accroissement en est croissant.
En multipliant les deux membres par le produit , qui est positif, on obtient :
En divisant par ceci donne :
- Corollaire 1 Si une fonction est convexe sur un intervalle ouvert , alors elle est dérivable à gauche et à droite en tout point de , et donc continue sur .
- Démonstration : Si , le taux d'accroissement en , , est une fonction croissante de . Il admet donc en une limite à gauche et une limite à droite finies. Ce résultat n'est pas valable si l'intervalle n'est pas ouvert. Par exemple la fonction qui vaut 0 sur , et au point est convexe sur , mais elle n'est pas continue en . Le fait qu'une dérivée à gauche et à droite existe, n'implique pas que la fonction soit dérivable. Par exemple, la fonction valeur absolue est convexe sur mais elle n'est pas dérivable en 0. Lorsque la fonction est dérivable, sa dérivée est croissante.
- Proposition 9 Soit une fonction de dans , dérivable sur un intervalle ouvert . La fonction est convexe sur si et seulement si sa dérivée est croissantesur .
- Démonstration : Commençons par la condition nécessaire. Soient et deux points de , tels que . Pour tout ,
En faisant tendre vers , on en déduit :
De même, en faisant tendre vers ,
Donc .
Montrons maintenant la condition suffisante. Soient deux points de tels que , , et . Appliquons le théorème des accroissements finis sur les deux intervalles et . Il existe et tels que :
et
La fonction étant croissante, on a donc :
Comme nous l'avons déjà vu dans la démonstration de la proposition 8, ceci entraîne
Graphiquement, la pente de la tangente d'une fonction convexe est croissante. Dans la démonstration précédente, nous avons établi les inégalités :
On en déduit que pour ,
et
Donc la courbe représentative de reste au-dessus de ses tangentes (figure 6).
Corollaire 2 Soit une fonction de dans , deux fois dérivable sur un intervalle ouvert . La fonction est convexe sur si et seulement si sa dérivée seconde est positive ou nulle sur .
Une fonction deux fois dérivable est concave si et seulement si sa dérivée seconde est négative ou nulle. Les points où la dérivée seconde s'annule et change de signe correspondent graphiquement à des points où la courbe représentative passe de concave à convexe où inversement. On les appelle des points d'inflexion.
Exercices
- Exercice 1 Pour chacune des fonctions définies ci-dessous :
- Donner une expression explicite du taux d'accroissement de en un point quelconque du domaine de définition.
- Calculer la limite en de ce taux d'accroissement et retrouver l'expression de la dérivée de en .
- Exercice 2 Soient et deux fonctions définies sur un intervalle ouvert . On suppose que et sont dérivables en et que . Montrer que :
(C'est la «Règle de l'Hôpital»).
- Exercice 3 Pour chacune des applications définies ci-dessous :
- Verifiez que est prolongeable par continuité en 0.
- L'application prolongée est-elle dérivable en 0 ?
- Exercice 4 Pour chacune des fonctions définies ci-dessous :
- Préciser le domaine de définition de .
- Soit un intervalle ouvert inclus dans . Démontrer que est dérivable sur .
- Calculer l'expression de la dérivée de .
- Exercice 5 Pour chacune des fonctions définies ci-dessous, sur un intervalle :
- Démontrer que est dérivable sur .
- La fonction est-elle dérivable à droite en ?
- La fonction est-elle dérivable à gauche en ?
sur sur
sur sur
sur
sur
Exercice 6 Pour tout , calculer la dérivée d'ordre des fonctions suivantes.
Exercice 7
- Déterminer les réels et tels que la fonction définie ci-dessous soit de classe sur .
- Déterminer les réels , et tels que la fonction définie ci-dessous soit de classe sur .
- Déterminer les réels et tels que la fonction définie ci-dessous soit de classe sur .
Exercice 8 On dit qu'une fonction de dans est paire si pour tout , . On dit qu'elle est est impaire si pour tout , . Soit une fonction dérivable sur .
- Montrer que si est paire alors est impaire.
- Montrer que si est impaire alors est paire.
Exercice 9 Soit la fonction de dans définie par si et .
- Montrer que pour tout , .
- Soit la fonction de dans définie par si et si . Montrer que est de classe sur .
- Soient et deux réels tels que . Soit la fonction de dans définie par :Montrer que est de classe sur . Représenter graphiquement pour et .
Exercice 10 Soient et deux réels tels que . Soit une fonction définie sur , dérivable à gauche et à droite en tout point de . On suppose que est continue à gauche en , à droite en et que . Montrer qu'il existe un point tel que le produit de la dérivée à gauche en par la dérivée à droite en soit négatif ou nul.
Exercice 11 Soit une fonction continue sur , dérivable sur , telle que
Montrer qu'il existe tel que .
Exercice 12 Soient et deux réels tels que . Soient et deux fonctions définies sur , dérivables sur . On suppose que ne s'annule pas sur .
- Montrer que le théorème de Rolle s'applique à la fonction
- En déduire qu'il existe un point tel que :
Exercice 13 Soit une fonction continue sur , dérivable sur , telle que . On suppose que est croissante sur . Démontrer que la fonction définie sur par est croissante.
Exercice 14
- Etudier les variations de la fonction sur . En déduire que l'équation a trois solutions réelles.
- Soient et deux réels et un entier naturel. Montrer que l'équation a au plus trois solutions réelles.
- Soit un entier naturel supérieur ou égal à . Montrer que l'équation a une seule solution réelle positive.
- Soit un réel positif et un entier naturel pair. Montrer que l'équation admet pour seule solution réelle.
Exercice 15
- Soient , et trois réels. On considère la fonction définie parSoient et deux réels tels que . Déterminer le point tel que
- Soient , et trois réels. On considère la fonction définie parSoient et deux réels tels que . Déterminer le point tel que
Exercice 16 Utiliser le théorème des accroissements finis pour donner un majorant des réels suivants. Comparer ce majorant avec une approximation numérique à près.
Exercice 17
- Soient et deux réels tels que . Montrer que :
- Pour tout , on pose :Démontrer que pour tout ,
- Soient et deux réels tels que . Montrer que :
- Pour tout , on pose :Démontrer que pour tout ,
Exercice 18
- Utiliser le théorème des accroissements finis, appliqué à la fonction exponentielle pour démontrer que :
- Utiliser le théorème des accroissements finis, appliqué à la fonction pour démontrer que :
- Utiliser le théorème des accroissements finis, appliqué à la fonction logarithme pour démontrer que :
- Utiliser le théorème des accroissements finis, appliqué à la fonction pour démontrer que :
- Utiliser le théorème des accroissements finis, appliqué à la fonction cosinus pour démontrer que :
- Utiliser le théorème des accroissements finis, appliqué à la fonction pour démontrer que :
- Utiliser le théorème des accroissements finis, appliqué à la fonction pour démontrer que :
- Utiliser le théorème des accroissements finis, appliqué à la fonction pour démontrer que :
Exercice 19 Soient et deux réels tels que . Soit une fonction deux fois dérivable sur telle que et pour tout ,. Montrer que, pour tout , .
Exercice 20 Soit une fonction deux fois dérivable sur telle que pour tout , , et .
- Montrer que si est majorée alors est constante.
- Montrer que si n'est pas majorée, alors :
- Montrer que la limite quand tend vers de existe, et qu'elle est soit infinie, soit finie et strictement positive.
- Soit . Montrer que vérifie les hypothèses de l'exercice, et calculer la limite quand tend vers de .
Exercice 21 Soit une fonction convexe sur un intervalle ouvert , dérivable en un point , et telle que . Montrer que est un minimum global pour sur I :
Exercice 22
- Soit une fonction convexe sur un intervalle . Montrer que pour tout , pour tout ,
- Démontrer que pour tout , et pour tout ,
- Démontrer que pour tout , et pour tout ,
- Démontrer que pour tout , et pour tout ,
Exercice 23 Soient et deux réels strictement positifs tels que :
- Montrer que, pour tout ,
- Soient tels que :Montrer que :
- Soient . Démontrer l'inégalité de Hölder :
- Soit . Démontrer l'inégalité de Minkowski :(On posera et .
QCM
Donnez-vous une heure pour répondre à ce questionnaire. Les 10 questions sont indépendantes. Pour chaque question 5 affirmations sont proposées, parmi lesquelles 2 sont vraies et 3 sont fausses. Pour chaque question, cochez les 2 affirmations que vous pensez vraies. Chaque question pour laquelle les 2 affirmations vraies sont cochées rapporte 2 points.
Question 1 Soit la fonction et le taux d'accroissement de au point .
- Le taux d'accroissement est une fonction de dans .
- Le taux d'accroissement est égal à .
- Pour tout , .
- Le taux d'accroissement n'admet pas de limite quand tend vers .
- Le taux d'accroissement est prolongeable par continuité en .
Question 2 Soit une fonction définie sur , son graphe, et un point de .
- Si admet une tangente au point , alors est dérivable en .
- Si n'est pas dérivable en , alors n'est pas continue en .
- Si est dérivable en , alors au voisinage de .
- Si admet une dérivée nulle en , alors admet une tangente horizontale au point .
- Si le taux d'accroissement de en tend vers quand tend vers , alors admet une tangente verticale au point .
Question 3 Soit la fonction définie par si et .
- La dérivée de en 0 est nulle.
- La dérivée de en est .
- Le graphe de admet une tangente verticale en 0.
- La dérivée de en est .
- Pour tout les dérivées de en et en sont égales.
Question 4 Soit la fonction qui à associe .
- La fonction est indéfiniment dérivable sur .
- La fonction est dérivable à droite en .
- Le graphe de admet une tangente verticale en .
- La dérivée de en 0 est nulle.
- La dérivée et la dérivée seconde de prennent la même valeur en 0.
Question 5 Soit un entier.
- La dérivée -ième de est .
- La dérivée seconde de s'annule en 0.
- La dérivée troisième de est .
- La dérivée seconde de est .
- La dérivée troisième de est .
Question 6 Soit une fonction dérivable de dans . Soient et deux réels.
- Si présente un maximum local en , alors .
- Si , alors présente un extremum local en .
- Si , alors atteint son maximum sur .
- Si , alors présente un extremum local en un point de .
- S'il existe tel que , alors .
Question 7 Soit une fonction de dans , continue sur et dérivable sur . On suppose que et .
- La fonction est croissante sur .
- Il existe tel que .
- Pour tout , .
- La fonction admet un extremum local sur .
- La fonction admet un extremum local sur .
Question 8 Soit une fonction dérivable de dans .
- Si est strictement décroissante sur , alors est strictement négative sur .
- Si est négative ou nulle sur , alors est décroissante sur .
- Si est strictement négative sur , alors est strictement décroissante sur .
- Si est décroissante sur , alors est décroissante sur .
- Si est décroissante sur , alors est décroissante sur .
Question 9 Soit une fonction de dans .
- Si est convexe sur alors est continue sur .
- Si pour tout , , alors est convexe sur .
- Si est convexe sur et , alors il existe tel que la dérivée de en existe et soit nulle.
- Si est dérivable en un point de , alors est inférieure à .
- Si est convexe sur et , alors la fonction est croissante sur .
Question 10 Soit la fonction de dans , qui à associe .
- La fonction est croissante sur
- La fonction présente un maximum local en 0.
- La fonction présente un minimum global en .
- La fonction est convexe sur .
- La fonction est croissante sur .
Devoir
Essayez de bien rédiger vos réponses, sans vous reporter ni au cours, ni au corrigé. Si vous souhaitez vous évaluer, donnez-vous deux heures ; puis comparez vos réponses avec le corrigé et comptez un point pour chaque question à laquelle vous aurez correctement répondu.
Questions de cours : Soit une fonction définie sur , à valeurs dans . Soit un point de .
- Qu'appelle-t-on taux d'accroissement de en ?
- Quand dit-on que la fonction est dérivable en ?
- Démontrer que est dérivable en si et seulement si, au voisinage de 0 :
- Quand dit-on que est convexe sur ?
- Si est convexe sur , que peut-on dire du taux d'accroissement de en ? Que peut-on dire de la dérivée de en ?
Exercice 1 : On admettra dans cet exercice les limites suivantes.
- Démontrer que :
- Soit un réel quelconque. Démontrer que la fonction est dérivable en , et que sa dérivée est .
- Soit un réel quelconque. Démontrer que la fonction est dérivable en , et que sa dérivée est .
- Soit un réel quelconque. Démontrer que la fonction est dérivable en , et que sa dérivée est .
- Soit un réel strictement positif. Démontrer que la fonction est dérivable en , et que sa dérivée est .
Exercice 2 : Soit la fonction de dans qui à associe :
- Déterminer le domaine de définition de , noté . Montrer que est dérivable sur et calculer sa dérivée. Montrer que est strictement croissante sur et sur , strictement décroissante sur .
- Calculer la dérivée seconde de . Montrer que est convexe sur et sur , concave sur et sur .
- Soit un réel. Soit la fonction qui à associe . Démontrer que la dérivée -ième de est la fonction définie par :
- En déduire la dérivée -ième de , pour tout entier .
- Pour tout , on pose . Calculer la dérivée seconde de . En déduire que est concave sur tout intervalle inclus dans .
- Montrer que admet un maximum global en 0. Vérifier que et .
- Pour tout entier , donner l'expression de la dérivée -ième de en fonction de .
Exercice 3 : Soit une fonction de dans , dérivable sur .
- On suppose que tend vers 0 quand tend vers . Montrer que :
- En déduire que :
- Soit un réel. On suppose que tend vers quand tend vers . Montrer que :(Indication : considérer la fonction ).
Corrigé du devoir
Questions de cours :
- Le taux d'accroissement de en est l'application notée , qui à associe :
- On dit que est dérivable en si le taux d'accroissement de en admet une limite finie en . Cette limite est la dérivée de en .
- Le taux d'accroissement admet pour limite en si et seulement si :Par définition, ceci équivaut à dire que est négligeable devant , au voisinage de 0 :
- On dit que est convexe sur si :
- Si est convexe sur , alors le taux d'accroissement de en est une fonction croissante sur . Comme une fonction croissante admet une limite à gauche et à droite en tout point, la dérivée à gauche et la dérivée à droite de en existent. Mais elles ne sont pas forcément égales et n'est pas forcément dérivable en .
Exercice 1 :
- Exprimons à l'aide de .Or :Donc :
- Écrivons le taux d'accroissement en , évalué en :On sait que :etDonc :
- Écrivons le taux d'accroissement en , évalué en :On en déduit :
- Écrivons le taux d'accroissement en , évalué en :On sait que :Donc :
- Écrivons le taux d'accroissement en , évalué en :On sait que :doncDonc :
Exercice 2 :
- Exprimons sous la forme :La fonction est définie pour tout , donc est défini pour tout différent de et de .La fonction est dérivable pour tout et sa dérivée est . Les fonctions et sont dérivables respectivement sur et (comme fonctions polynômes). Donc est dérivable, comme combinaison linéaire de deux fonctions qui sont elles mêmes composées de deux fonctions dérivables. On trouve :Pour dans ou , , donc , donc est strictement croissante sur ces intervalles. Pour dans , , donc , donc est strictement décroissante sur .
- On trouve :La dérivée seconde de est positive pour , négative pour . Donc est convexe sur et sur , concave sur et sur .
- Démontration par récurrence. La formule est vraie pour :Supposons-la vraie pour . Alors :La formule est vraie pour , elle est donc vraie pour tout .
- Pour , la dérivée -ième de est la dérivée -ième de . Or :Par linéarité, on en déduit :
- On obtient :etEn utilisant les expressions des questions 1 et 2 :La dérivée seconde de est négative en tout point où elle est définie, donc est concave sur tout intervalle inclus dans .
- La fonction est croissante sur . Or la limite de en est nulle. Donc est positive sur . La fonction est décroissante sur . Or . Donc est positive sur . Donc est négative pour tout négatif.On montre de la même façon que est négative sur et sur (ou bien en remarquant que pour tout , ). Donc :Donc admet bien un maximum global en 0. On constate que :et(Ceci entraîne que 0 est un maximum local, mais ne permet pas d'affirmer que c'est un maximum global).
- En utilisant la formule de Leibniz :
Exercice 3 :
- Par hypothèse, il existe tel que pour tout , . Par le théorème des accroissements finis, pour tout , il existe tel que :Puisque , on a bien :
- Soit . Fixons tel que pour tout ,Pour , écrivons :Or :etIl existe tel que pour tout :D'autre part, il existe tel que pour tout :Pour tout , on a donc :D'où le résultat.
- Soit la fonction qui à associe : elle est dérivable sur et . Donc tend vers 0 quand tend vers . D'après la question précédente, on a :Donc :
Newton et Leibniz
Les problèmes de quadrature (intégration) et de tangente (dérivation) ont passionné de nombreux mathématiciens depuis Archimède. Les premiers à avoir compris le rapport entre les deux sont Isaac Newton (1643-1727) et Gottfried Wilhem von Leibniz (1646-1716). Ils sont maintenant considérés comme co-inventeurs du calcul différentiel.Pourtant la controverse a longtemps fait rage, du vivant de Newton et Leibniz, et pendant encore de nombreuses années après leur mort. Les uns, à la suite de Newton lui-même, accusaient Leibniz de plagiat, car il aurait eu accès à des manuscrits non publiés de Newton. Les autres prouvaient sans conteste l'antériorité des publications de Leibniz et la supériorité de son système de notation. Il semble bien que Newton avait effectivement développé ses idées avant Leibniz, mais que, même si ce dernier a eu accès à des manuscrits de Newton, il a travaillé de façon indépendante. La controverse, qui paraît de nos jours plutôt futile, eut pour conséquence de couper pendant longtemps les mathématiciens anglais du reste de l'Europe : ce n'est qu'au début du XIXe siècle que les notations de Leibniz furent acceptées en Angleterre. Voici comment, dans Philosophiae Naturalis Principia Mathematica (1687), Newton exprime sa vision des dérivées.Les rapports ultimes dans lesquels les quantités disparaissent ne sont pas réellement des rapports de quantités ultimes, mais les limites vers lesquelles les rapports de quantités, décroissant sans limite, s'approchent toujours, et vers lesquelles ils peuvent s'approcher aussi près qu'on veut.La vision de Newton est très proche de notre définition moderne de la dérivée comme limite d'un taux d'accroissement. C'est d'autant plus remarquable que la notion de limite ne sera définie rigoureusement, que presque deux siècles après les premières découvertes de Newton. L'intuition de Newton est puissante, mais lui-même sent bien qu'il n'a pas défini ses quantités infinitésimales de manière suffisamment rigoureuse. D'ailleurs elles resteront longtemps pour beaucoup un «fantôme de quantités disparues». Peut-être est-ce une des raisons pour lesquelles Newton, dont les premiers travaux sur le sujet datent de 1664, n'achèvera son ouvrage «la méthode des fluxions et des suites infinies» qu'en 1671, et ne le publiera pas de son vivant... contrairement à Leibniz. Par un clin d'il de l'histoire, les noms de Newton et Leibniz sont restés attachés à deux formules extrêmement proches.Le calcul différentiel indien
Le verset 12 des «Harmonies Célestes»1, écrit en 499 par Aryabhata est une collection de 24 nombres :Il faut comprendre ces nombres comme les différences successives entre les demi-cordes des angles obtenus en divisant en 24 parties égales un quart de cercle de rayon 3428 (la somme des 24 valeurs). En clair : les 24 sommes cumulées, divisées par 3428 sont des valeurs approchées de , pour allant de 1 à 24. Faites le calcul : la différence maximale en valeur absolue entre les valeurs d'Aryabhata et les valeurs exactes est de : pas si mal pour quelqu'un qui ne travaillait qu'avec des entiers ! Un peu plus loin, Aryabhata montre qu'il avait finement observé la décroissance de ses tables de différences : «Les différences sont diminuées des quotients successifs des sinus par le premier sinus». En clair, si désigne la -ième valeur cumulée :Ramené aux différences de sinus successifs, Aryabhata n'est pas loin d'exprimer un double taux d'accroissement :Mais parler de dérivée seconde au temps d'Aryabhata serait anachronique, d'autant plus que sa règle ne s'appliquait qu'aux multiples de . Le premier astronome indien à formuler une règle de calcul approchée générale pour de petites différences de sinus est Manjula (932) :Cette règle empirique sera reprise par Aryabhata II (950) et Bhaskara II (1150). Ce dernier donne une justification géométrique de la formule, et est parfaitement conscient qu'elle est d'autant meilleure que est petit : il parle à cette occasion d'«immesurablement petit». Il exprime même les notions de «différence instantanée de sinus» et «mouvement instantané». Cela suffit-il pour en faire l'inventeur des dérivées ? Peut-être pas car il ne dit jamais explicitement que le cosinus est la dérivée du sinus. Pourtant il est conscient du fait que quand une fonction atteint son maximum, sa «différence instantanée» s'annule. Il observe aussi que quand une planète est à son apogée ou à son périgée, la différence entre sa position observée et sa position prédite pour un mouvement uniforme s'annule et il en déduit qu'en un certain point intermédiaire l'incrément de cette quantité doit aussi s'annuler : c'est le théorème de Rolle !Du XIVe au XVIe siècle, à la suite de Madhava (1340-1425) une importante école d'astronomie fleurit dans l'état du Kérala, au Sud de l'Inde. Fidèles à la tradition de leurs ancêtres, ces astronomes développent encore le calcul différentiel. Ainsi le théorème des valeurs intermédiaires sera énoncé explicitement au XVe siècle par Parameshvara (1370-1460) dans «Lilavati Bhasya» qui est un commentaire du Lilavati de Bhaskara. Certains ont accusé Newton et Leibniz d'avoir, deux siècles plus tard, pillé les résultats des mathématiciens du Kérala. C'est oublier un peu vite que, malgré des algorithmes d'approximations impressionnants, ceux-ci n'ont jamais défini les notions de dérivée et d'intégrale, ni surtout établi leur réciprocité. Il n'existe aucune preuve que les résultats de l'école du Kérala aient été connus en dehors de l'Inde avant le XIXe siècle. Mais peut-être serez-vous tentés de répondre à la question « qui de Newton ou Leibniz a inventé le calcul infinitésimal ?» par : ni l'un ni l'autre !Le dernier disciple de Galilée
Pour Vincenzio Viviani2, tout commence en 1639. Galilée, alors âgé de 75 ans et devenu aveugle, cherche quelqu'un pour l'aider dans ses travaux. À 17 ans, Viviani, issu d'une famille aisée de la noblesse florentine, se signale par son talent précoce pour les mathématiques. Galilée apprécie la tournure d'esprit et le goût pour les études du jeune homme, et en fait son pensionnaire à Arcetri, sur les collines de Florence. Jusqu'à la mort de Galilée trois ans plus tard, Viviani sera le lecteur et le secrétaire du grand homme. Galilée en vint à considérer Viviani comme un fils, et Viviani conçut pour celui qui l'avait ainsi adopté un attachement profond, qu'il manifesta pendant les 60 ans qu'il devait lui survivre, et même au-delà. Après la condamnation de Galilée par l'Inquisition, et l'interdiction faite de l'enterrer en terre consacrée, il faudra longtemps avant que ses restes puissent reposer dans le caveau familial de l'église Santa Croce à Florence. Ce ne fut fait qu'en 1737, 34 ans après la mort de Viviani qui avait laissé par testament des intructions précises pour l'édification du tombeau de Galilée, auprès duquel ses propres restes furent placés.Les trois ans passés auprès du vieux sage marquèrent définitivement Viviani, qui devint lui-même un savant reconnu, membre de plusieurs académies européennes, dont l'Académie des Sciences de Paris, où Fontenelle prononça son éloge.
Partout il se nomme le dernier disciple de Galilée [...] ; jamais il ne met son nom à un ouvrage sans l'accompagner de cette qualité ; jamais il ne manque une occasion de parler de Galilée et quelquefois même, ce qui fait encore mieux l'éloge de son cur, il en parle sans beaucoup de nécessité ; jamais il ne nomme le nom de Galilée sans lui rendre un hommage ; et l'on sent bien que ce n'est point pour s'associer en quelque sorte au mérite de ce grand homme et en faire rejaillir une partie sur lui ; le style de la tendresse est bien aisé à reconnaître d'avec celui de la vanité.
Quant à l'homme, voici le portrait plutôt flatteur d'un contemporain.
de murs honnêtes et pures ; de manières exquises ; d'aspect agréable ; avec toujours un air de gaieté sur le visage ; modéré dans ses paroles, très apprécié dans sa conversation. Il était plutôt grand de taille, avait la peau claire et les cheveux bruns ; ses yeux d'un léger bleu turquoise étaient toujours vifs et brillants.
Élève d'un des savants les plus novateurs de son époque, Viviani se signale pourtant par sa fidélité à la géométrie des classiques grecs3. Il s'était fait connaître pour avoir reconstitué un texte d'Appolonius, que l'on croyait perdu, mais qui fut retrouvé dans une traduction arabe avant que Viviani ait terminé son travail de divination. La proximité entre la traduction de l'original et la reconstitution de Viviani, établit la réputation de ce dernier. Grand connaisseur de Pappus, il sait que l'on trouve dans ses travaux la description d'une courbe, tracée sur une sphère, qui délimite sur cette sphère une surface quarrable, c'est-à-dire dont on peut donner l'aire exacte. Cette courbe est l'intersection avec la sphère d'un cylindre dont le diamètre est égal au rayon de la sphère, et dont une directrice passe par le centre de la sphère (figure 7).
Figure 7: La fenêtre de Viviani En 1692, connaissant la solution, il pose le problème comme un défi lancé aux tenants de la nouvelle pratique analytique, Leibniz en tête, qui prétendent que le tout nouveau calcul infinitésimal peut résoudre des problèmes sur lesquels la géométrie des Grecs échoue. L'année précédente, les frères Bernoulli et Leibniz avaient corrigé une erreur de Galilée sur la chaînette, ce qui a sans doute contribué à indisposer Viviani.ENIGME GEOMETRIQUE DE LA MERVEILLEUSE CONSTRUCTION DE LA VOUTE HEMISPHERIQUE QUARRABLEproposée par D. PIO LISCI PUSILLO, géomètreParmi les vénérables monuments de la savante Grèce antique, se dresse encore, destiné à durer éternellement, un Temple très auguste à plan circulaire, dédié à la FECONDE GEOMETRIE, qui est recouvert d'une coupole parfaitement hémisphérique à l'intérieur ; mais dans cette coupole, quatre fenêtres d'aires égales (disposées autour et sur la base de l'hémisphère même) sont construites de telle configuration, de telle grandeur, avec une telle industrie et une telle intelligence que, celles-ci ôtées, la surface courbe restant de la coupole, ornée d'un travail précieux, peut être quarrée géométriquement.
On demande simplement quelle est cette partie quarrable de la surface hémisphérique tendue comme une voile marine gonflée, par quelle méthode ou par quel art fut-elle obtenue par l'Architecte Géomètre, et à quelle surface plane enfin elle est égale.
La résolution du présent problème (qui permet la contruction aussi bien que la quadrature de cette admirable voûte) a été offerte à son Altesse SérénissimeFERDINAND, Prince de Toscane, amateur et patron généreux des sciences et des arts nobles, par l'auteur même de l'énigme. Celui-ci du même coup ne doute point que le problème ne doive être trouvé aussitôt par chacun des illustres Analystes qui existent aujourd'hui dans le monde des lettres, en partageant en carrés appropriés cette remarquable voûte quarrable découpée sur l'hémisphère, et il attend impatiemment que, les subtiles recherches des mêmes et leurs multiples travaux se ramenant au même et unique [lieu] géométrique, alors ceux qui osent témérairement lancer des injures à la Géométrie apprennent à se taire, ou plutôt s'écrient à haute voix :
Ô unique Science des vérités accessibles, que l'Esprit divin a répandu dans l'esprit humain, afin que celle-ci méprisant les choses inaccessibles, changeantes et trompeuses, vise seulement les choses éternelles, qui sont toujours et pour tous semblables, et n'ait jamais pour son étude d'objet plus innocent.
Le nom d'emprunt sous lequel Viviani pose l'énigme est un anagramme de Postremo Galilaei Discipulo (le dernier disciple de Galilée). Il ne cache pas son ironie à l'égard des « illustres Analystes qui existent aujourd'hui». Mais ces derniers sont prompts à relever le défi, qui tombe à pic comme banc d'essai pour le calcul infinitésimal. Leibniz le résoud dit-il le jour même où il en prend connaissance, Jean Bernoulli publie 5 solutions différentes, Roberval dit avoir déjà rencontré la courbe, Huygens, le Marquis de l'Hôpital, Wallis et Gregory fournissent aussi des réponses. Voici un extrait de celle de Leibniz, qui profite de son triomphe pour faire un brin de propagande visionnaire.
Hippocrate de Chio a effectué la quadrature de sa lunule, déjà connue d'Aristote ; mais elle est plane et n'a de courbe que son périmètre. Les lunules sphériques (qu'on peut aussi appeler « voiles»), ne peuvent être projetées qu'à la perpendiculaire, et elles sont pourtant maintenant converties en figures rectilignes. Et la recherche d'Hippocrate n'était pas difficile ; la nôtre est beaucoup plus compliquée, surtout pour qui ignore les méthodes que nous utilisons.
[...] Pour nous le sujet nous a si bien réussi qu'à partir d'une surface sphérique donnée, nous pouvons en détacher des arches d'une grandeur donnée (en-dessous pourtant d'une certaine grandeur), ce qui est résoudre le problème posé d'une infinité de manières.
[...] Je souhaite - et ce souhait si d'autres y travaillent n'est pas irréalisable - voir la Géométrie réduite à l'Analyse absolue (si nous visons au plus haut) de sorte que le genre humain, délivré de cette difficulté, puisse appliquer désormais, pour son plus grand plaisir et son plus grand profit, son étude à la nature même et aux éléments concrets et puisse ainsi y reconnaître l'Étude Divine.
Si l'esprit humain, armé de la véritable méthode, se tourne sérieusement de ce côté, je ne doute point qu'il produira un jour de grandes merveilles pour vaincre les maladies, pour accroître les commodités de l'existence, pour connaître les miracles que Dieu fait dans la nature.
Les «fameux Analystes de l'âge présent», vainqueurs par KO, eurent la magnanimité de baptiser l'objet de l'énigme «fenêtre de Viviani». Elle s'ouvrait sur un avenir radieux : le Siècle des Lumières qui allait commencer serait bien en mathématiques celui des victoires du calcul différentiel.Règle de l'Hôpital et Théorème de Rolle
L'histoire est injuste. Nous vous avons proposé comme exercice facile d'application des définitions, la «Règle de l'Hôpital» : la limite du rapport de deux accroissements de fonctions en un point est le rapport des dérivées des fonctions en ce point ; et au cas où vous poseriez la question, non, il n'est vraiment pas utile de retenir ce résultat par cur. En revanche, nous avons lourdement insisté sur l'importance du Théorème de Rolle, qui au fond n'est ni plus difficile ni moins intuitif : si une fonction part d'une valeur pour retourner à cette même valeur, sa dérivée doit s'annuler dans l'intervalle. En 1691, Guillaume François Antoine de L'Hôpital, marquis de Sainte-Mesme, comte d'Entremont, seigneur d'Oucques, La Chaise, Le Bréau et autres lieux (1661-1704), avait invité chez lui Jean Bernoulli, pour apprendre de celui-ci la nouvelle théorie de Leibniz. L'ayant bien assimilée, il s'en était fait l'ardent propagandiste, publiant en 1696 son «Analyse des infiniment petits, pour l'intelligence des lignes courbes». Cet ouvrage fit beaucoup pour la diffusion de la théorie en France, même si celle-ci n'alla pas sans heurts 4. Voici le début lyrique de la préface de l'«Analyse des Infiniment Petits».
L'ANALYSE qu'on explique dans cet ouvrage, suppose la commune ; mais elle en est fort différente. L'Analyse ordinaire ne traite que des grandeurs finies : celle-ci pénètre jusque dans l'infini même. Elle compare les différences infiniment petites des grandeurs finies ; elle découvre les rapports de ces différences : et par là elle fait connaître ceux des grandeurs finies, qui comparées avec ces infiniment petits sont comme autant d'infinis. On peut même dire que cette Analyse s'étend au-delà de l'infini : car elle ne se borne pas aux différences infiniment petites ; mais elle découvre les rapports des différences de ces différences, ceux encore des différences troisièmes, quatrièmes, et ainsi de suite, sans trouver jamais de terme qui la puisse arrêter. De sorte qu'elle n'embrasse pas seulement l'infini ; mais l'infini de l'infini, ou une infinité d'infinis.
Rassurez-vous : beaucoup de lecteurs de l'époque ont ressenti le même vertige que vous devant une telle envolée. Cette nouvelle analyse supposée s'étendre «au-delà de l'infini», sans que l'on ait donné de sens rigoureux à son objet de base, les « différences infiniment petites», ressemblait fort à un château dans les nuages, et beaucoup doutaient en conséquence que l'on puisse en tirer autre chose que du vent. En 1701, Michel Rolle (1652-1719) lit à l'Académie Royale des Sciences un mémoire intitulé «Du nouveau système de l'infini». Dès les premières lignes, le ton est donné.
On avait toujours regardé la Géométrie comme une Science exacte, et même comme la source de l'exactitude qui est répandue dans toutes les autres parties des Mathématiques. On ne voyait parmi ses principes que de véritables axiomes : tous les théorèmes et tous les problèmes qu'on y proposait étaient ou solidement démontrés, ou capables d'une solide démonstration ; et s'il s'y glissait quelques propositions ou fausses ou peu certaines, aussitôt on les bannissait de cette science.
Mais il semble que ce caractère d'exactitude ne règne plus dans la Géométrie depuis que l'on y a mêlé le nouveau système des infiniment petits. Pour moi, je ne vois pas qu'il ait rien produit pour la vérité, et il me paraît qu'il couvre souvent l'erreur.
Voici comment Fontenelle, bien des années plus tard, rapporte la controverse dans son éloge de Rolle.
En ce temps-là, le livre de M. le Marquis de l'Hôpital avait paru, et presque tous les mathématiciens commençaient à se tourner du côté de la nouvelle géométrie de l'infini, jusque-là peu connue. L'universalité surprenante des démontrations, la finesse et la promptitude des solutions les plus difficiles, une nouveauté singulière et imprévue, tout attirait les esprits, et il se faisait dans le monde géomètre une révolution bien marquée. Elle n'était pourtant pas absolument générale ; dans le pays même des démonstrations on trouve encore le moyen de se diviser. Feu M. L'Abbé Galois, comme nous l'avons dit même dans son éloge, ne goûtait point la nouvelle Géométrie, mais il était bien aise de ne la combattre qu'avec le secours ou à l'abri d'un géomètre de nom, et heureusement il trouva dans M. Rolle les dispositions nécessaires pour s'unir à lui. Il mit dans la société le courage d'entreprendre la guerre, et l'art de la conduire, qui tous deux auraient peut-être manqué à M. Rolle, et celui-ci ne fut obligé que de fournir les raisonnements.
[...]
Quand la paix des Infiniment-petits fut faite, ou le silence ordonné, M. Rolle donna son application à d'autres sujets de Géométrie, où l'algèbre dominait toujours ; il ne laissait pas d'y glisser encore adroitement des accusations d'insuffisance ou même de fausseté contre le nouveau calcul, avec lequel il ne s'est jamais bien réconcilié, et les Infinitaires étaient au guet pour ne lui rien passer qui les intéressât trop.
Avant de combattre les «Infinitaires», M. Rolle avait quand même bien produit des mathématiques. Dans un ouvrage de 1691 «Démonstration d'une méthode pour résoudre les égalités de tous degrés», il avait exposé une technique pour localiser les racines d'un polynôme, la «méthode des cascades». Ce n'est que bien plus tard que l'on s'est rendu compte que la « cascade» d'un polynôme n'était autre que sa dérivée, et que l'observation qu'entre deux racines d'un polynôme on trouvait toujours une racine de sa dérivée, avait une portée beaucoup plus générale.Non, le Théorème de Rolle n'est pas vraiment dû à Michel Rolle ; mais que cela ne vous empêche pas de le retenir !Une construction de l'exponentielle et du logarithme
Le logarithme népérien vous a sans doute été présenté comme la primitive de la fonction qui s'annule en , et l'exponentielle comme sa fonction réciproque. On en déduit alors les propriétés de ces deux fonctions. Nous allons voir une autre définition.Le but de ce qui suit est de construire les fonctions exponentielle et logarithme, et d'en démontrer les principales propriétés, à partir de la propriété fondamentale de l'exponentielle, qui est de transformer les sommes en produit.
(3)
Cette construction illustrera l'utilisation des outils de base de l'analyse : limites, continuité, dérivabilité, convexité. Dans un premier temps, nous raisonnerons par condition nécessaire, en supposant l'existence d'une fonction vérifiant (3), pour en déduire ses propriétés.
Proposition 10 Soit une fonction de dans , vérifiant (3). Alors :
- Si s'annule en un point, alors est identiquement nulle sur .
- Si ne s'annule pas, alors et pour tout :
- Pour tout , pour tout :
Démonstration : Si , alors pour tout ,
Donc, soit est identiquement nulle, soit elle ne s'annule jamais. Comme , si , alors . Ensuite,, d'où le point 2. Le point 3 se vérifie aussi facilement, par récurrence sur .
Proposition 11 Soit une fonction de dans , non nulle, continue en 0, et vérifiant (3). Alors est :
- strictement positive,
- continue sur ,
- convexe sur ,
- dérivable sur et :
Démonstration : D'après la proposition 10, si est non nulle, alors . Comme est continue en 0, il existe tel que pour tout , . Soit quelconque ; il existe tel que . D'après le point 3 de la proposition 10, .Montrons maintenant la continuité en un point quelconque de .
car est continue en 0 et .La démonstration de la convexité est plus difficile. Nous souhaitons montrer que pour tout , et pour tout ,
(4)
Nous allons d'abord montrer que pour tout ,
(5)
D'après (3) et le point 3 de la proposition 10,
On pourrait en déduire (5), en utilisant... la concavité du logarithme, que nous sommes précisément en train de construire. Ce ne serait pas de jeu !Nous allons démontrer (5) par récurrence sur . Observons d'abord que (5) est trivialement vraie pour . Vérifions qu'elle est vraie pour . D'après (3) et puisque est strictement positive, on a :
Il est facile de vérifier que si et sont deux réels positifs, alors , d'où (5) pour . Nous en déduisons ensuite que si (5) est vraie pour un entier , alors elle est vraie pour . En effet :
Montrons maintenant que si (5) est vraie pour un entier , alors elle est vraie pour .
Soit en regroupant les termes :
d'où le résultat pour . Maintenant, si (5) est vraie pour un entier , elle est vraie pour , et d'après ce qui précède, aussi pour , , ..., . Elle est donc vraie pour tout .Soient et deux entiers positifs tels que , et deux réels tels que . Appliquons (5) pour , , et . On obtient :
soit (4) pour . Donc (4) est vraie pour tout rationnel. Mais tout réel étant limite d'une suite de rationnels, et la fonction étant continue, (4) est aussi vraie pour tout réel, donc est convexe.La dérivabilité se déduit de la convexité, en utilisant la propriété (3). Commençons par montrer que est dérivable en 0. Considérons la fonction , qui à associe l'accroissement :
La fonction étant convexe, ses accroissements sont croissants, donc la fonction admet une limite à gauche et une limite à droite en 0. La fonction est donc dérivable à gauche et à droite en 0. Nous devons montrer que les deux dérivées sont égales. Pour cela, calculons , en utilisant le point 2 de la proposition 10.
Or quand tend vers 0, tend vers , par continuité de en 0. Donc la limite à gauche de en 0 est égale à sa limite à droite, ce qui entraîne que est dérivable en0. Pour en déduire la dérivabilité en un point quelconque de , il suffit d'appliquer une fois de plus la propriété (3) :
Puisque est strictement positive, est de signe constant. La fonction est :- strictement croissante si ,
- constante (et égale à ) si ,
- strictement décroissante si .
Proposition 12 Pour tout , il existe une unique fonction , continue en 0, vérifiant (3), et telle que .
Démonstration : La fonction qui répond à la question est évidemment celle qui à associe . Encore faut-il préciser sa définition, et montrer qu'elle est la seule.Si est un entier positif, est le produit de facteurs égaux à , et . La fonction qui à associe est strictement croissante et bijective de dans. Donc sa réciproque est aussi strictement croissante et bijective de dans . Si est un réel positif, le réel tel que est donc défini de façon unique, et on convient de le noter , de sorte que . Si est un rationnel, nous savons donc définir . Cette définition, et les propriétés des puissances entières, entraînent que la propriété (3) est vérifiée pour tout couple de rationnels : .
Nous souhaitons étendre la définition de à tous les réels, par continuité. Observons d'abord que nous pouvons, sans perte de généralité, supposer que et , grâce à la propriété . Si et sont deux rationnels tels que , alors . Une des propriétés fondamentales de l'ensemble est que tout réel est la borne supérieure de l'ensemble des rationnels qui lui sont inférieurs. Si est un réel quelconque et , nous pouvons donc définir comme :
et
Il reste à vérifier que la fonction ainsi définie est bien continue, et qu'on a donc aussi :
et
Pour cela, commençons par montrer que si est une suite de rationnels positifs, tendant vers 0, alors converge vers . Fixons tel que . Considérons les deux suites et . Si la suite tend vers 0, la suite tend vers . Si est un réel positif, alors quand tend vers l'infini, tend vers 0 si , vers si . On en déduit que converge vers 0, alors que converge vers . Donc il existe tel que pour tout ,
soit . Si les sont des rationnels négatifs, la conclusion est la même car . Donc la conclusion reste vraie pour une suite de rationnels de signe quelconque. On en déduit donc que la fonction que nous avons définie est bien continue en 0.Pour , la fonction qui à associe est donc continue en 0, elle est non nulle, et elle vérifie (3) pour tout rationnels, donc pour tout réels, en passant à la limite. D'après le point 2 de la proposition 11, elle est donc continue sur .
Pour l'unicité, il suffit d'observer que si une fonction vérifie (3) et est telle que , alors par la proposition 10, elle est telle que , pour tout rationnel. Deux fonctions continues qui coïncident sur les rationnels, sont nécessairement égales (tout réel est limite d'une suite de rationnels). Donc , pour tout réel. Pour , notons l'unique fonction continue en 0, vérifiant (3), et telle que , à savoir la fonction qui à associe .
Puisque , la fonction est non nulle et on peut lui appliquer la proposition 11 : est dérivable sur .
Définition 8 On appelle logarithme, et on note la fonction définie sur , qui à associe .
Proposition 13
- Pour tout , on a :
- Pour tout et , on a :
- La fonction est strictement croissante, et :et
Démonstration : Pour le premier point, soient et deux réels strictement positifs, et considérons la fonction . On a :
On calcule donc la dérivée de en 0, en dérivant le produit :
Pour le point 2, soit et deux réels.
Fixons , dérivons par rapport à et prenons la dérivée en 0. On obtient :
d'où le résultat.Passons au point 3. Fixons . La fonction est alors strictement croissante, elle admet donc une limite en . Or la suite tend vers , donc la limite de en est . La relation montre que la limite de en est 0. La fonction est donc bijective, de dans . La relation montre que la fonction réciproque de est la fonction qui à associe . Cette fonction est donc strictement croissante et bijective de dans . Il nous reste à définir la fonction exponentielle, qui est la réciproque du logarithme. D'après le point 3 de la proposition 13, il existe un réel unique, strictement positif, dont le logarithme vaut . On le note .
Définition 9 On appelle exponentielle, et on note , la fonction qui à associe , où est l'unique réel tel que .
Proposition 14 L'exponentielle est la réciproque du logarithme. Les deux fonctions sont strictement croissantes et dérivables.
et
Puisque , on a , par le point 2 de la proposition 13. La dérivée de l'exponentielle est donnée par le point 4 de la proposition 11. On dérive le logarithme comme une fonction réciproque :
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